Ep 11 LDDLC : les JFN 2023

Cet article est une retranscription de l’épisode n°11 du podcast « Le Dos de la Cuillère » que tu peux écouter ici :

Introduction :

Bonjour, bienvenue dans le dos de la cuillère. Je suis Magali, diététicienne-nutritionniste spécialisée dans les alimentations végétales. Ce podcast a pour but de partager mes expériences, mes rencontres et mes réflexions sur la diététique et le véganisme … Je te souhaite une bonne écoute !

Les Journées Francophones de la Nutrition sont un événement annuel organisé par la SFN (société française de nutrition) et la SFNCM (Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme). Cette année, elles avaient lieu à Marseille du 6 au 8 Décembre.

Les JFN

Elles se définissent comme “une réunion annuelle, interdisciplinaire et interprofessionnelle consacrée à la nutrition sous tous ses aspects. (Elles) réunissent (…) les spécialistes de la nutrition médicale, de la physiologie de l’alimentation, de la biologie, des sciences de l’aliment et de la nutrition animale”.

C’est donc un événement majeur en France pour toustes les acteurs et actrices du secteur de la nutrition : on peut y croiser des chercheurs et chercheuses, des professionnel·les de santé, des enseignants et enseignantes, etc.

Les thèmes des conférences sont très variés comme “Le plaisir de manger pour un bon état nutritionnel des résidents en EHPAD” , “Microbiote néonatal et comportement alimentaire chez l’adulte” , des interventions sur l’influence de l’étiquetage alimentaire, des sujets un petit peu plus pointus comme le “Ciblage de la reprogrammation métabolique de l\’adénocarcinome pancréatique”, des conférence sur l\’anthropologie du comportement alimentaire, le partage de travaux de recherches et des découvertes récentes sur certaines molécules permettant, par ex, la perspective de nouveaux traitements des carences en fer ou du diabète, etc.

Bref, c’est très varié et très intense comme journées … il y a plusieurs formats (conférences, posters commentés, cas cliniques, etc.), plusieurs salles donc certaines interventions ont lieu en même temps et il faut choisir celle qu’on verra en public (sachant qu’elles sont aussi enregistrées et disponibles en replay).

Et c’est donc un peu “the place to be” quand on s’intéresse à la nutrition.

Par contre, il faut mettre la main au portefeuille : pour 3 jours de conférence, si on n’est pas membre de la SFN ou de la SFNCM organisatrices de l’événement, pour un·e diététicien·ne, cela coûte 240 € en prévente, 315 € ensuite pour le présentiel, ou 190 € et 250 € pour juste l’accès au replay pendant 3 mois.

Autant dire que pour une profession qui galère déjà pas mal, sortir cette somme et ne pas prendre de consultations pendant 3 ou 4 ou 5 jours (avec le déplacement) … faut être sacrément motivé·e !!!

En ce qui me concerne, je bénéficiais du tarif étudiant à 50 € donc ce sera peut-être ma seule et unique occasion de pouvoir m’y rendre !

Végétalisation de l’alimentation aux JFN

Dans le programme des JFN cette année, j’étais contente de voir qu’il y avait pas mal de conférences sur le thème de la végétalisation de l’alimentation. Même si je doute que le bien-être animal soit au centre des préoccupations des sociétés organisatrices (mais je peux me tromper 😅), en revanche, l’urgence écologique et de santé à réduire la consommation de produits animaux entraîne que ce sujet devient incontournable dans un événement sur la nutrition.

Enfin, moi je dis ça comme si c’était une évidence et que toute la société française en général et médicale en particulier avait déjà cette prise de conscience … eh ben, cette immersion de 3 jours dans le secteur français de la nutrition m’a bien bien ramené les pieds sur terre …

Alors je n’ai pas pu assister à TOUTES les conférences qui traitaient de végétalisation de l’alimentation parce que certaines avaient lieu EN MEME TEMPS (je commence à rattraper celles que j’ai loupé en replay) … Ceci dit, les conférences auxquelles j’ai assisté et qui évoquaient juste la diminution de la consommation de viande … comme par exemple, la présentation d’une expérimentation dans un crous ou l’offre végétarienne avait été augmentée, le calcul du coût minimum du panier moyen optimisé pour “bien” se nourrir, les influences de l’affichage pour encourager les gens à consommer des produits meilleurs pour leur santé, etc. Bref, des questionnements pratiques et utiles, et qui vont dans le sens des recommandations nationales, en plus … donc vraiment : rien de révolutionnaire ou d’extrémiste sous le soleil, hein …

Eh ben, presque systématiquement, à la fin de ces conférences, au moment des questions ,  il y avait une intervention de quelqu’un dans le public pour rappeler que : \ »oui mais le fer héminique est mieux absorbé\ », \ »oui mais le gaspillage alimentaire c’est grave aussi\ », \ »oui mais les aliments ultra transformés, c’est nul\ »… bref, c’était même devenu un running gag avec mes collègues diet, on attendait la question #notallviande complètement à côté de la plaque à la fin de chacune de ces conférences.

Parce qu\’il est apparemment impossible en France, dans un congrès sur la nutrition et la santé, d’évoquer la possibilité de peut-être juste un peu moins consommer de viande sans que ça provoque dans l’assistance le besoin urgent (c’était souvent la première question posée) et irrépressible (on pouvait sentir un agacement, une agitation dans la voix de la personne qui posait sa question) de rappeler que, quand même, la viande, c’est pas si pire. 

Alors, je ne veux pas croire que toutes ces personnes soient forcément mal intentionnées … Je crois qu’elles pensent sincèrement que la végétalisation de l’alimentation est quelque chose de néfaste pour leurs patients et patientes. J’imagine qu’elles ont surtout peur des dérives que cela peut engendrer car finalement, ce sont ces dérives et les faits divers les plus choquants qui sont le plus souvent relayés et mis en avant … et il faut reconnaître que ce sont aussi les cas les plus extrêmes, c’est à dire, quand la santé ou le pronostic vital est en jeu, qui atterrissent dans leurs cabinets ou dans leurs structures médicales. 

Mais ces cas extrêmes ne sont pas représentatifs de la plus grande majorité des personnes végé qui, elle, est en bonne santé.

Mais bon, je peux comprendre que quand on n’est pas familier du sujet, qu’on est en contact au quotidien avec une population fragile ou malade et que les seules fois où on est confronté à des patientes et patients végé, c’est dans des cas où la santé est altérée … oui, je peux comprendre qu’on rejette ce qui est finalement perçu comme un effet de “mode” inquiétant.

Pour moi, ce rejet provient donc d’une méconnaissance qui entraîne une peur …

Et le fait que ce sujet soit abordé dans des événements comme celui-ci sont plutôt bon signe … à condition d’avoir les intervenant.e.s approprié.e.s pour en parler !

Traitement(s) des alimentations végétales chez les enfants

Par ex, pour un sujet touchy et qui mérite d’être traité avec sérieux, humanité, finesse et professionnalisme comme par ex, les alimentations végétales chez les enfants. Eh bien, j\’ai assisté à 2 conférences trèèèèès différentes !

Il y avait 2 conférences qui traitaient de ce sujet : 

Régimes sans viande : une menace pour la croissance ?

Régime vegan/végétalien : un danger réel pour la santé de l\’enfant ?

Un thème similaire présenté par 2 docteurs, pédiatres, travaillant dans des structures hospitalières françaises reconnues. Mais le traitement du sujet n’était pas tout à fait le même …

Pour ce qui est de la 1ère conférence, ce fût un moment trèèèès pénible : l’intervenant, à grand renfort d’images mettant en scène des enfants malades ou se mettant en danger, utilisait un humour douteux pour présenter des cas cliniques très caricaturaux et des conseils plutôt sommaires …

Cette intervention, qui était sensée traiter de l’alimentation non carnée, c’est-à-dire “sans viande” (enfin : c’est ce qui était annoncé sur le programme et en titre du diaporama …) est devenu très rapidement une tribune à charge qui mettait dans le même sac : alimentations végétarienne et végétalienne, antivax, complotisme, défaut de supplémentation et refus de soins … 

On a eu droit, évidemment, avec une trame narrative vraiment pas nécessaire, aux jus végétaux (type lait de riz ou lait d’avoine du commerce) donnés en nutrition exclusive à des nourrissons, ce qui est dangereux pour leur santé … au même titre, d’ailleurs, que les laits de vache qu’on trouve en grande surface ! Alors qu’il existe dans les 2 cas (animaux et végétaux) des laits maternisés parfaitement adaptés !

On a eu droit aussi aux parents végétaliens obtus et intransigeants qui ne voulaient faire aucun compromis.

Ou bien encore l’adolescent qui traîne trop sur les réseaux sociaux et dont la seule motivation est de ressembler à ses influcenceurs et influenceuses préféré.e.s…

Alors, je ne dis pas que ce qui était dit dans cette conférence était faux, mais par contre, la présentation était biaisée, méprisante et à mon sens, pas du tout constructive.

Et le résultat direct, c’est qu’au moment des questions du public, une personne lui a demandé s’il considérait que le végétarisme était une forme de maltraitance. Et franchement, vu tout ce qu’on venait d’entendre, je me posais la même question. 

Sa réponse :

  • le végétarisme, non … bon, bah, merci parce que c’était pas très clair …
  • le végétalisme : oui en rappelant une plainte avec main courante déposée par la société française de pédiatrie contre des parents végétaliens qui refusaient de supplémenter leur enfant déficitaire. Oui alors d\’accord, sauf que tous les parents végétaliens ne sont pas systématiquement contre la supplémentation ni dans le refus de soin …

Et cet amalgame complètement éclaté au sol et sans aucune nuance me soule parce qu’il nourrit les préjugés sur les personnes végé qui vont se détourner du système de soin conventionnel de peur d’être jugé.e.s et dénoncé.e.s. Et ainsi, ça les éloigne de la possibilité d’être conseillé comme il faut, parce que oui, il faut de la supplémentation et il faut un suivi, mais pour ça, il faudrait qu’ils soient accueillis avec respect et écoute … 

Comment c’est possible quand on les considère d’office comme des personnes maltraitantes ? Comment les empêcher de dissimuler des informations importantes quant à leurs habitudes de vie et leur alimentation quand elles sont moquées ou jugées ? Et j’irai même plus loin : comment les empêcher de se tourner vers des pratiques alternatives ou mensongères où ces familles seront accueillies à bras grand ouverts et maintenues dans des croyances fausses et dangereuses.


Coucou, c\’est la Mag du montage : après avoir enregistré l’épisode, j’ai visionné la video de Sohan Tricoire, collègue diet dont j’apprécie beaucoup le travail intitulée : “Le rapport des végétalien.nes à la médecine” … Cette video de 10 minutes seulement est très intéressante reprend et complète certains points que j’évoque dans l’épisode, sauf qu’iel le fait, comme à son habitude, de manière beaucoup plus documentée et constructive car ici, je le rappelle, il ne s’agit que de mon ressenti et celui des diet avec qui j’ai pu échanger. Donc si le sujet t’intéresse, je pense que cette video t’apportera un point de vue plus instructif et moins … épidermique que le mien ! Je te mets bien sûr le lien avec les autres ref de l’épisode dans le descriptif1 !


Alors qu’avec les bons conseils, des analyses, une supplémentation adaptée, ces enfants grandissent dans d’excellentes conditions ! 2

Donc, ça, c’était la conférence de la nausée mais heureusement, toutes n’étaient pas dans ce style …

Pour ce qui est de la 2nde conférence qui traitait du même sujet, l’intervenant a présenté les carences théoriques d’un régime végétalien, les résultats des dernières études existantes, a commenté ce qu’on peut en tirer comme conclusions mais aussi les limites de ces études en les mettant en perspective par rapport à d’autres ou par rapport à ce ce qu’il expérimentait dans son quotidien de praticien et a mis en avant les points de vigilance. 

Car ils existent ! Je rappelle qu’une alimentation végétarienne ou végétalienne, ne s’improvisent pas en particulier pour les populations dites “fragiles” comme : certaines pathologies, les personnes âgées, les personnes enceintes et allaitantes, les nourrissons, enfants et adolescent·e·s … Déjà, avec une alimentation omnivore, il faut un suivi rigoureux et de la supplémentation … eh ben, c’est aussi le cas dans une alimentation végétalisée, qui, en plus, n’est pas culturellement habituelle et où on n’a pas de références familiales ou sociales pour se repérer seul·e·s ! 

Et vraiment, j’insiste, une alimentation végétale doit suivre certaines règles, une supplémentation doit être envisagée donc n’hésite pas à contacter des professionnel.le.s de santé formé.e.s à ces alimentations et intéressé·e·s si tu as un doute … et pour cela, je t\’invite à consulter la carte des pros de santé disponible sur le site de l’onav.fr3.

Pour revenir aux JFN, suite à cette 2ème conférence, la conséquence immédiate d’un traitement plus neutre du sujet a été que les questions ne portaient plus sur l’irresponsabilité ou les motivations coupables des parents mais véritablement sur les moyens à disposition des professionnel.le.s de santé pour conseiller cette patientèle.

Par ex : « une fois qu’on leur a expliqué les risques encourus, est-ce qu’il  existe des recommandations nationales ou des instances pour nous aider à les conseiller ?\ ».

Une réflexion que je trouve saine, rassurante et sans jugement : conséquence normale de l’exposé qui nous avait été donné …

Et cette question est légitime parce qu’effectivement, comme je l’évoquais déjà dans mon premier épisode sur mon parcours d’étudiante vegan en bts diététique, il n’existe pas de recommandations nationales en France concernant les alimentations végétariennes et végétaliennes. Cela fait des années qu’on les attend mais au moment de l’écriture de cet épisode, elles n’étaient toujours pas publiées.

Alors, il y a des conseils généraux comme “dans ce cas, là, c’est pas recommandé” ou “faites vous suivre par un.e professionnel.le de santé” mais l’ANSES ne donne pas de chiffres ni de recommandations précises à ces professionnel.le.s de santé … donc que leur reste-t-il ? 

Informations disponibles pour les professionnel.le.s de santé

  • à défaut de recommandations nationales, ielles peuvent se renseigner auprès des sociétés savantes françaises ou étrangères : cf note en bas de page n°2
  • La bonne nouvelle, c’est qu’il y a un DU “alimentations végétariennes” qui a démarré en 2021 à l’université de la Sorbonne justement destiné aux professionnel.le.s de santé qui souhaitent se former sur ce sujet.
  • Il y a également le site végéclic qui, pour en avoir discuté avec le 2ème intervenant après la conférence, est un outil bien pratique d\’aide à la prise en charge nutritionnelle des patient·e·s végé.
  • Pour les diététicien.ne.s, il y aussi la formation de Virginie Bach au CFDC qui est de très bonne qualité … Personnellement, je suis en train de la suivre et ça fait des étincelles dans mon cerveau tellement c’est enrichissant.

Alors, je ne sais pas comment conclure sur ces journées francophones de la nutrition parce que même si j’ai été assez dépitée de la façon dont étaient traitées les alimentations végétales par certaines personnes pendant ce congrès, j’ai pu observer que la profession se sensibilise sur ce sujet. Et donc, même s’il y a encore beaucoup de réactance et de préjugés sur les personnes végétariennes et végétaliennes, il y a aussi de plus en plus de personnes qui s’y intéressent de manière pragmatique et sincère, gagnent en compétence, font reculer les méconnaissances et les peurs sur ce sujet …

Annonce podcast

En ce qui me concerne, j’ai une annonce à faire au sujet du podcast (tu t’en doutais peut-être après l’écoute du précédent épisode) : je vais passer à un épisode mensuel au lieu de bimensuel … Tout simplement parce que comme tu l’as peut-être compris, depuis que j’ai mon diplôme, je continue à me former, ce qui me prend du temps (d’ailleurs le DU de la Sorbonne dont je te parlais plus tôt : eh ben, je suis fière de t’annoncer que je ferai partie de la promo 2024 et ça démarre en janvier et j’ai trop hâte) et il faut aussi que je prépare le lancement de mon activité de diét puisque j’avais annoncé un démarrage au premier trimestre 2024 et il me reste encore pas mal de boulot ! Bref, les prochaines semaines vont être très chargées pour moi donc même si ça me coûte de sortir les épisodes moins souvent parce que j’aime trop ça et bien, je préfère être raisonnable et me laisser le temps de me concentrer sur d’autres choses tout aussi passionnantes entre 2 sorties d’épisodes !

Outro : c’est la fin de cet épisode. J\’espère que tu auras pris autant de plaisir à l\’écouter que moi à le produire ! N\’hésite pas à t\’abonner pour être averti·e de chaque nouvelle sortie et si tu le souhaites, tu peux laisser un avis sur ta plateforme d\’écoute préférée, ça m\’aidera beaucoup \"❤️\" Si tu as des questions ou que tu souhaites échanger, tu peux aussi me retrouver sur Instagram sur ma page le.dos.de.la.cuillère.podcast. Et bien sûr, si tu penses que ce podcast pourrait aussi intéresser ton entourage, ne te retiens surtout pas de le partager et d’en parler autour de toi 😅 A bientôt !


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